W : Le terme retro est à la mode quand il s’agit de qualifier votre son ou tout simplement les groupes qui font la même musique que vous. Qu’en pensez-vous ? N. Sugarman : Je n'aime pas ce terme et pourquoi cela ne s’applique qu’à la soul ? Je n’entends jamais parler de folk retro ou de jazz retro. La soul représente pour moi quelque chose de profond, cela touche énormément de gens, c’est comme une institution, comme peut-être la folk. On n’essaye pas de recréer un style, on joue ce que l’on aime. On parle maintenant des années 80 comme une époque vintage, les gens passent à autre chose de plus en plus rapidement aujourd’hui.
W : Si vous deviez citer quelques producteurs qui vous ont influencé dans l'élaboration de ce son Daptone ? N. Sugarman :
Steve Cropper de
Stax, Willie Mitchell de
Hi Records ou
Johnny Pate. Pour moi ces trois là savaient allier la simplicité à la perfection, ce qu'on a toujours essayé de faire.
W : Justement le son de Daptone est particulier et bon nombre de producteurs par le passé l'ont plébiscité à l'image de Mark Ronson. Mais avez-vous refusé d’autres demandes plus saugrenues ? N. Sugarman : Nous avons refusé pas mal de projets en effet et on continue encore. Ce qu’ils veulent la plupart du temps, c’est uniquement le nom
Daptone. On ne se voit pas travailler avec
Michael Buble par exemple. Pour
Mark Ronson, c’était différent, on aime énormément sa musique et c’est devenu un ami par la suite, il a utilisé les
Dap-Kings comme un instrument pour modeler son son.
W : Quel est votre meilleur et pire souvenir en dix ans de Daptone ? N. Sugarman : Il y en a tellement mais si je dois en retenir un ce serait le moment où l'on voit arriver le camion de livraison, déchargeant les cartons de nos premiers 45 T. Tu en ouvres un au hasard, tu le mets dans la platine et … (moment de pleine béatitude). Mais je peux aussi te parler de
Charles Bradley, voir ce mec de 62 ans dont la véritable carrière ne commence seulement qu'aujourd'hui ou
Sharon sont tout autant de grandes fiertés. Les après-midi d’été passées à enregistrer avec l’équipe, manger ensemble sont aussi de très bons souvenirs, les moments de bonheur chez
Daptone sont des choses simples finalement. Les moments les plus pénibles prennent souvent la forme d’un avocat, pas pour des affaires sérieuses. Mais enregistrer un disque n’a strictement rien à voir avec la rédaction d’un contrat sur le plan émotionnel, ça me donne des nausées mais il en faut pour protéger les artistes
. W : Comment voyez-vous Daptone et son futur ? N. Sugarman : Aujourd’hui j'ai une vision plus claire que par le passé sur notre capacité à faire des projets. Nous avons une belle écurie d’artistes que l’on peut encore énormément développer. Depuis le début, les ventes du nouvel album d'un artiste sont toujours meilleures que le précédent, on va donc essayer de perpétuer cette tradition. On a enfin une meilleure compréhension du business, le
Daptone Store en ligne est un des projets que l’on veut aussi voir grandir afin d’être plus près de nos fans. On pense que le futur passe par des labels plus proches de leurs auditeurs, avec une relation plus directe. C'est ce qu'on va essayer de faire dans le futur.